vendredi 14 septembre 2012

Histoire
(pages 14 et 17)
            
    L’histoire du graffiti sur métro à New-York est courte, et le phénomène diffère des autres formes de graffiti, passées et actuelles. Dans les années soixante, les adolescents de New-York commencèrent à écrire leurs noms respectifs sur les murs de leur quartier, mais au lieu d’écrire le nom que leurs parents leur avaient donné, ils adoptèrent des surnoms, se créant une identité à destination du public de la rue. Initialement, ces surnoms avaient une fonction territoriale. Les membres de gangs indiquaient leur secteur et les gamins du coin tagguaient pour leurs amis ou au contraire pour être vus de leurs ennemis.

Un jeune qui habitait la 183ème Rue, dans les Washington Heights à Manhattan, Taki 183, qui travaillait comme coursier et prenait le métro pour se déplacer dans les cinq boroughs de la ville, était l’un d’eux. Pendant ses trajets, il inscrivait son nom partout, à l’intérieur et à l’extérieur des trains et à chaque station. En 1971, un reporter le suivit, retrouva sa trace et l’interviewa. L’article, paru dans le New York Times en résultant, eut un certain retentissement dans les cœurs de ses contemporains. Les gamins, impressionnés par la notoriété d’un nom apparaissant à tous les coins de rue de la ville, se rendirent compte que la fierté ressentie en voyant leur nom pourrait être décuplée si ce dernier allait bien au-delà du premier coin de rue. La course à la gloire commença pour de bon lorsque des centaines de jeunes, prenant exemple sur Taki 183, se mirent à tagguer les trains et les édifices publics dans toute la ville. « Getting up » (l’acte de tagguer au sens large pour se faire connaître) devint une vocation. Les gamins dont le nom revenait le plus fréquemment ou qui se trouvait dans les endroits les plus inaccessibles devinrent des héros populaires. Simultanément, l’arrivée de marqueurs permanents et de peinture aérosol à grande échelle offrit aux writers une visibilité  considérablement accrue.
Alors que l’espace disponible sur les murs et sur les trains se réduisait, il devint nécessaire de développer un style pour faire ressortir son nom de la masse. Les gamins s’exercèrent à faire varier les formes de leur nom et développèrent des sortes de logos, facilement identifiables et lisibles en un clin d’œil.
En plus du style, les writers commencèrent à expérimenter des graffitis colorés et de différentes tailles. Ils découvrirent qu’il était possible de peindre de grandes surfaces rapidement à l’aide de peinture aérosol et une nouvelle forme, la « pièce », fit apparition. Abréviation de « masterpiece », les premières pièces étaient simplement des tags dont les contours étaient tracés avec une autre couleur. Au fil du temps, les lettres gagnèrent en largeur et une variété de styles émergea en même temps que de nouveaux writers originaires de Brooklyn, du Bronx et de Manhattan s’efforcèrent de rester dans la course. La taille des peintures augmenta jusqu'à ce que le côté entier d’un wagon, fenêtres et reste inclus, soit couvert pour le premier « top-to-bottom whole car » peint en 1975.
Bien que deux trains entiers aient été peints en 1976 par Caine I et par les Fabulous Five peu de temps après, les « top-to-bottom whole car » demeurent l’ultime prouesse à accomplir pour les writers. Cependant, le style continue d’évoluer rapidement, et le meilleur des wagons d’aujourd’hui inclut des compositions complexes de lettrage « wildstyle » avec des effets de 3D combiné à des personnages de cartoon.
La pratique du graffiti dispose déjà d’un héritage, construit grâce aux contributions de plusieurs générations de writers. Les artistes arrivants se retrouvent confrontés à une situation dans laquelle les formes et les conventions de son art sont déjà établies. La marge de manœuvre au sein des paramètres esthétiques où ils travailleront les prochaines années est assez étroite. Les innovations stylistiques majeures sont rapidement adoptées par d’autres writers qui se souviennent toujours des initiateurs de ces percées posant de nouveaux jalons : Hondo, le premier à avoir fait un « top-to-bottom » ; Dead Leg le premier « top-to-bottom » avec nuages, etc… Les noms des premiers pionniers comme Phase 2, Stitch I, Barbara et Eva 62, et StayHigh 149 sont légendaires. Le cœur du folklore graffiti se compose des histoires de ces derniers, de leurs contemporains et de leurs exploits.       

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